La littérature jeunesse regorge de livres et de publications riches pour soutenir le développement de l’enfant. Parmi les bienfaits qu’on leur connaît déjà, les albums pour enfants peuvent aussi s’avérer des outils pertinents pour permettre aux jeunes lecteurs de s’éveiller à la cognition sociale, aux émotions et au monde de la pensée (théorie de l’esprit), toutes des choses qui représentent des défis importants pour les enfants âgés de 0 à 8 ans.
Découvrez l'article de Julie Mélançon, professeure-chercheuse à l'Université du Québec à Rimouski (campus de Lévis)
Modalités
Pour citer cet article
Mélançon, J. (2020). La littérature jeunesse au service du développement d’une théorie de l’esprit. Québec : https://irc-cn.ca/outil/la-litterature-jeunesse-au-service-du-developpement-de-la-theorie-de-lesprit-2/
À propos de l'auteure
Titulaire d’un doctorat en psychopédagogie de l’Université Laval (2005), Julie Mélançon est professeure-chercheuse en développement de l’enfant à l’Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis (UQAR) depuis 2010.
Ses domaines de recherche sont entre autres axés sur la théorie de l’esprit, la relation langage-pensée et le développement de l’enfant d’âge préscolaire et du 1er cycle du primaire. Mélançon exploite d’ailleurs ces champs d’intérêt en travaillant de concert avec des enseignants du préscolaire dans le cadre de formations ponctuelles, de partenariats ou de projets de recherche.
Elle œuvre également à titre de chercheuse associée au LIMIER et au CTREQ, en plus de déployer son expertise à travers différents projets. Elle collabore avec l'IRC-CN depuis l'automne 2018.
Pour en savoir plus, consulter son profil complet de chercheuse associée du CTREQ.
Matériel
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La littérature jeunesse regorge de livres et de publications riches pour soutenir le développement de l’enfant. Parmi les bienfaits qu’on leur connaît déjà, les albums pour enfants peuvent aussi s’avérer des outils pertinents pour permettre aux jeunes lecteurs de s’éveiller à la cognition sociale, aux émotions et au monde de la pensée (théorie de l’esprit), toutes des choses qui représentent des défis importants pour les enfants âgés de 0 à 8 ans.
Des travaux ont montré que l’utilisation de la littérature jeunesse avec les enfants contribue au développement de la théorie de l’esprit chez ces derniers (Mar et al., 2009 ; Martucci, 2014 ; Symons et al., 2005). La lecture d’albums permet en effet de créer un contexte qui favorise la discussion sur des états mentaux et rend plus explicite la relation entre les croyances, les désirs et les comportements des personnages. Mélançon (2015) a analysé 114 albums de littérature jeunesse trouvés dans cinq classes de maternelle de la région de Québec. À l’instar de travaux anglophones (Cassidy et al., 1998 ; Dyer et al., 2000), il s’est avéré que :
- plus de 80 % des albums analysés par Mélançon évoquent au moins un état mental et/ou émotionnel ;
- trois livres sur quatre font référence aux émotions en utilisant un ou des mots d’états émotionnels ;
- les mots d’états mentaux les plus souvent nommés dans ces albums sont les verbes vouloir, savoir, ignorer et penser (on trouve un ou plusieurs de ces mots dans environ 40 % des albums recensés) ;
- plus du tiers des albums comportent au moins une situation de fausse croyance (malentendus, mensonges, tromperies, etc.).
On peut donc en conclure que les ouvrages déjà utilisés en classe (surtout s’ils comportent des personnages) ont du potentiel pour soutenir le développement d’une théorie de l’esprit chez l’enfant !
Lire un livre, c’est bien... mais dialoguer autour d’un livre, c’est mieux !
Discuter de l’histoire d’un livre avec les enfants aurait plus d’effets sur leur compréhension du monde de la pensée que simplement les « exposer » aux mots d’états mentaux (Peskin et Astington, 2004).
La clé résiderait dans la planification d’une lecture interactive de l’album choisi afin de porter une attention particulière :
- aux mots d’états émotionnels (ex. : être content, être fâché, être surpris, avoir peur, aimer) ;
- aux mots d’états mentaux (ex. : penser, croire, savoir, ignorer, vouloir, réfléchir, se souvenir) ;
- aux situations de fausse croyance (ex. : tromperies, malentendus, mensonges, secrets, surprises) ;
- aux illustrations (ex. : visage des personnages, phylactères).
Cette planification permet notamment à l’adulte de poser aux enfants des questions qui les amènent à réfléchir aux personnages et aux situations (ex. : Comment tel personnage se sent-il ? Pourquoi agit-il comme ça ? À quoi pense-t-il ? Savait-il que... ?).
Retenons que :
- Le plaisir restera toujours la clé !
- Il est utile de planifier sa lecture en ayant parfois comme intention de mettre en évidence les états émotionnels et mentaux. Pour cela, on peut souvent exploiter les albums que nous possédons déjà en classe.
- Il est facile de rendre la pensée visible en mettant en mots notre pensée, celle des personnages, celle de l’enfant.
- Laisser l’enfant réfléchir, faire des tentatives, et l’amener à justifier ses réponses soutiennent le développement de sa pensée.
Par ces petits gestes simples, nous contribuons à équiper l’enfant, et ce, sans programme à implanter ni matériel à acheter !
Des pistes pour aller plus loin :
Infographie
La théorie de l'esprit: soutenir son développement chez l'enfant d'âge préscolaire
Articles
- Avez-vous dit « théorie de l’esprit » ?
- Avoir à l’esprit les états émotionnels et mentaux pour exploiter autrement les albums de la classe : il suffit d’y penser !
- Le potentiel des albums jeunesse pour soutenir la compréhension du monde de la pensée chez les enfants d’âge préscolaire
- La lecture interactive : un outil pour mieux identifier les états internes
- Quelques pistes d’interventions pour la lecture interactive de l’album L’ours qui aimait les arbres
- Comprendre le monde de la pensée pour mieux affirmer sa personnalité
- Le développement de la théorie de l’esprit chez les jeunes enfants
- Les mots, la pensée et les débuts à l’école
Suggestions d’albums pertinents :
Conseils :
Références bibliographiques
Cassidy, K. W, Ball, L. V., Rourke, M. T., Werner, R. S., Feeny, N., Chu, J. Y., Lutz, D. J. etPerkins, A. (1998). Theory of mind concepts in children’s literature. Applied Psycholinguistics, 19(3), 463-470.
Dyer, J. R., Shatz, M. et Wellman, H. M. (2000). Young children’s storybooks as a source of mental state information. Cognitive Development, 15, 17-37. http://www.yorku.ca/mar/mar%20et%20al%202010_CogDev_media%20exposure%20and%20child%20ToM.pdf
Mar, R. A., Tackett, J. L. et Moore, C. (2009). Exposure to media and theory-of-mind development in preschoolers. Cognitive Development, 25, 69-78. http://www.yorku.ca/mar/mar%20et%20al%20in%20press_CogDev_media%20exposure%20and%20child%20ToM.pdf
Martucci, K. (2014). Shared storybook reading in the preschool setting and considerations for young children’s theory of mind development. Journal of Early Childhood Research. 10.1177/1476718X14523750
Mélançon, J. (2015). Le potentiel des albums jeunesse pour soutenir la compréhension du monde de la pensée chez l’enfant d’âge préscolaire. Revue de recherches en littératie médiatique multimodale (r2lmm.ca), 2, 2-34. http://litmedmod.ca/sites/default/files/pdf/r2-lmm_vol2_melancon.pdf
Peskin, J. et Astington, J.W. (2004). The effects of adding metacognitive language to story texts. Cognitive development, 19, 253-273. https://doi.org/10.1016/j.cogdev.2004.01.003
Symons, D. K., Peterson, C. C., Slaughter, V., Roche, J. et Doyle, E. (2005). Theory of mind and mental state discourse during book reading and story-telling tasks. British Journal of Developmental Psychology, 23(1), 81-102. https://doi.org/10.1348/026151004X21080